Une véritable secousse pour le secteur. Le fleuron du textile made in France, le Coq Sportif, a été placé en redressement judiciaire le 22 novembre. Une issue inéluctable pour cette société qui était dans une situation financière précaire depuis plusieurs mois, au point d'honorer difficilement son contrat comme fournisseur officiel de la délégation française des derniers Jeux Olympiques. Dès lors, ce sont plus de 300 emplois qui sont menacés dans le pays et des sous-traitants qui risquent d'être fragilisés, à l'image de l'effet domino enregistré dans l'industrie automobile ces derniers temps.
Ailleurs, en France, la filière du textile made in France est confrontée à d'autres points d'alerte. En témoigne l'exemple de Rautureau Apple Shoes qui puise ses origines à La Gaubretière (Vendée) depuis 1870. Sur son site de production, des banderoles sont apparues avec des slogans, « Mort du made in France », « salariés en colère », signalant la fermeture prochaine de cette usine dédiée à la production de la marque Free Lance. Au moins 29 emplois vont être supprimés dans le territoire.
« La société Rautureau Apple Shoes se voit contrainte d'envisager l'arrêt de ses activités de production, de support à la production et de vente de chaussures pour les marques de luxe Free Lance et JB Rautureau dont les ventes ont enregistré une chute de 41% depuis 2019 », précise la direction de l'entreprise par communiqué de presse.
Contactée par La Tribune pour détailler cette décision , la direction n'a pas répondu à nos sollicitations. Seulement, la coupe dans les effectifs pourrait être bien plus importante. Pas moins de 18 boutiques et corners de grands magasins, ainsi que de deux boutiques No Name et Schmoove pourraient également fermer, affectant un total de 85 postes.
« Le secteur a été fortement impacté par des changements dans les habitudes de consommation, une inflation persistante et une hausse de la popularité du marché de la seconde main, conjugués à une augmentation des coûts de production », justifie par écrit le fabricant en proie à des difficultés économiques depuis cinq ans.
Des coupes dans les effectifs
Malheureusement, Rautureau Apple Shoes n'est pas la seule entreprise du textile made in France à revoir la dimension de ses équipes. Le leader français des chaussettes et bas de contention médicale, Sigvaris, a annoncé pour la première fois de son histoire devoir recourir à la mise en oeuvre d'un PSE. Il concernera 27 salariés au maximum (sur 700 collaborateurs en France et un chiffre d'affaires de 100 millions d'euros) et s'inscrit dans le cadre plus large du déploiement d'un « plan de compétitivité ». Sigvaris affirme devoir réduire ses coûts et améliorer sa compétitivité retrouve une certaine assise économique, elle qui dispose de trois usines dans la Loire et à Huningue en Alsace.
« Nous devons affronter deux tendances défavorables. D'un côté des coûts de production qui ont augmenté fortement avec l'énergie, les matières premières, les salaires etc. De l'autre, des bases de remboursement de la Sécurité Sociale qui n'avaient pas évolué depuis 1984 et qui, au contraire, vont être abaissées de 2% d'ici la fin de l'année et encore de 2% l'année prochaine dans le cadre des objectifs nationaux de baisse des dépenses de santé » , regrette Sandrine Maillard, directrice générale de Sigvaris France.
Pour autant, Sigvaris France souhaite maintenir son positionnement « made in France » et affirme repousser toute velléité de délocalisation. L'industriel va donc continuer de dérouler son plan d'investissement de 14 millions d'euros annoncé en 2021. Il promet de dévoiler prochainement un nouveau process industriel qui devrait « améliorer significativement la compétitivité de l'entreprise » . L'entreprise va également accélérer sur le sujet de l'innovation afin de se diversifier et booster ses gammes premium, génératrice de davantage de marges.
« Le chiffre d'affaires n'est pas au rendez-vous »
Dans un autre secteur, la manufacture de tissu catalane Les Toiles du Soleil - fondée à Saint-Laurent-de-Cerdans (Pyrénées-Orientales) en 1837 - compte aussi sur l'innovation pour se relancer. La société vient de boucler le recrutement d'une nouvelle directrice artistique. Depuis le début du mois d'octobre, Les Toiles du Soleil (25 salariés, 2 millions d'euros de chiffre d'affaires) ont été placées en redressement judiciaire « pour protéger l'entreprise », souligne Stéphane Torck, cofondateur de JCST Holding.
Pourtant, cette entité est la propriété depuis seulement deux ans du Gardois JCST Holding et complète ainsi les marques déjà dans l'escarcelle du groupe en matière de décoration : Athezza, la Maison Pichon et SOME Slow Concept.
« La situation économique française est compliquée et sur le secteur de la décoration, le marché n'a pas suivi l'augmentation des prix avec l'inflation, décrypte le dirigeant. Notre stratégie est celle du développement à l'international : nous avons recréé la licence au Japon, nous nous implantons en Corée du Sud, à Taiwan et Shanghai, au Qatar et en Arabie Saoudite en 2025. Mais le chiffre d'affaires n'est pas au rendez-vous et nous avons besoin de temps. »
Par ailleurs, la marque a fermé son point de vente en propre parisien, mais compte encore une boutique en franchise à Montpellier. « Nous réfléchissons à faire entrer un nouvel actionnaire car si l'entreprise ne fait pas de croissance, elle est vouée à disparaître ou à se faire racheter par des prédateurs chinois ou américains », craint Stéphane Torck .
Dans le même temps, certains sont déjà voués à disparaître, comme la start-up nantaise Ankore, qui propose depuis 2020 une gamme de vêtements recyclés, fabriquée en France, chez plusieurs sous-traitants français, mais aussi des partenaires portugais. « En 2023, la tendance à une consommation plus responsable a complètement dégringolé. Les petites marques françaises, éthiques et indépendantes ferment leurs portes les unes après les autres, dans l'indifférence des pouvoirs publics. Car rien n'est fait pour arrêter la fast fashion. Bien qu'elle supprime des emplois en France et en Europe (...) L'industrie textile française meurt à petit feu », témoigne Romain Durand, le fondateur d'Ankore.