Déceptif. C'est le sentiment généralisé à l'issue de la commission mixte paritaire (CMP) de mercredi sur le budget de la sécurité sociale. Pour rappel, le Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) avait pour objectif initial de faire des économies. Plus précisément, atteindre l'objectif de 16 milliards d'euros de déficit, contre 18,5 milliards d'euros cette année, en faisant 12,3 milliards d'euros d'économies. Mais le texte définitif, qui sera présenté lundi aux députés, est beaucoup moins ambitieux. Les multiples revirements du gouvernement pour ménager tout le monde conduisent à un déficit qui devrait avoisiner les 19 milliards d'euros en 2025, soit 3 milliards de plus que ce que voulait l'exécutif, a calculé Frédéric Valletoux, député Horizons et président de la commission des Affaires sociales à l'Assemblée nationale.
Dans le détail, les baisses de dépenses sont relativement stables à l'issue de la commission mixte paritaire (4,9 et 4,7 milliards) tandis que les recettes ont été fortement réduites (de 8,6 milliards d'euros à 5,8 milliards d'euros), selon le député. S'il y a bien un freinage du déficit, évalué à 28,4 milliards d'euros pour 2025 sans aucune mesure selon la Cour des comptes , force est de constater que le bilan est très mitigé.
« À l'arrivée, c'est un projet de budget peu flamboyant. Ce texte n'exprime aucune ambition politique forte, il n'y a aucune réforme de structure », résume Frédéric Valletoux.
Retraites, « taxe soda » et cotisations patronales
Et pour cause, le gouvernement est revenu sur deux mesures phare qui lui permettaient de faire des économies : l a hausse des cotisations patronales, devant ramener 4 milliards d'euros, abaissée désormais à 1,6 milliard, et les 7 heures de travail par an non rémunérées rapportant 2,3 milliards et proposées par le Sénat. Ce dernier avait, par ses mesures, proposé un texte avec une baisse d'1 milliard d'euros de déficit.
Parmi les recettes du texte final, on trouve un renforcement de la « taxe soda » demandé par le Sénat, de 4 centimes par litre pour les boissons les moins sucrées, et jusqu'à 35 centimes par litre pour les plus sucrées. À cela s'ajoute une hausse des taxes sur les loteries, casinos et paris sportifs. En revanche, pas d'accélération du prix du paquet de cigarettes ou une taxe sur les « pouches », ces sachets de nicotine en gommes ou en billes à placer dans la bouche.
Le budget qui sera présenté lundi est également revenu sur le gel de l'indexation des retraites jusqu'au 1er juillet, autre mesure fortement contestée par l'opposition, qui devait rapporter 3,6 milliards d'euros d'économies. Finalement, les parlementaires ont trouvé un compromis avec une indexation des retraites sur la moitié de l'inflation dès le 1er janvier (+0,8%) et un complément au 1er juillet pour atteindre +1,6% pour les retraites sous les 1.500 euros brut. Un dispositif qui ne suffit pas au Rassemblement national, voyant là une ligne rouge et un argument pour déposer une motion de censure après la présentation du texte, si toutefois ce dernier passait sans vote à l'aide d'un 49.3.
Incertitudes sur le remboursement des consultations médicales
Autre ligne rouge du parti : la hausse du ticket modérateur, où la part non prise en charge par la Sécurité sociale des consultations médicales. Pour l'heure, le dernier texte du Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) indique une baisse de 5% du remboursement des consultations, de même que pour les médicaments. Or, la mesure du ticket modérateur est appliquée par décret et, de fait, n'est pas dans la loi. Elle peut donc être changée à tout moment lorsque le gouvernement l'aura décidé, et les chiffres avancés sont pour l'instant purement indicatifs. Car initialement, le PLFSS prévoyait une baisse de 10% de la prise en charge des consultations médicales, vite modifié par la Ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq.
Depuis, le Rassemblement national brandit cette épée de Damoclès comme argument pour la motion de censure. À raison ? S'il est difficile de savoir ce que fera le gouvernement en appliquant ce décret, une phrase du PLFSS interroge, évoquant « 600 millions d'euros de mesures complémentaires de modération de la dépense et d'efficience qui devront notamment être documentées par des mesures réglementaires ».
Cela peut donc aller de l'intensification de la lutte contre les fraudes à une hausse du ticket modérateur. Pour rappel, une baisse de la prise en charge des consultations médicales de 5% et des médicaments de 5% rapporte moins qu'une baisse de 10% des consultations, d'où l'hésitation de certains élus proches du gouvernement. Toutes les pistes restent ouvertes aujourd'hui, l'exécutif pourrait effectuer quelques ajustements de dernières minutes, souvent marginaux, avant le vote lundi à l'Assemblée.