Pour une parure « Royal Monceau », en lin agrémenté de fines broderies blanches, il faut compter 1.400 euros. Pour survivre dans l'environnement concurrentiel du linge de maison, Garnier-Thiebaut s'est orientée vers le haut de gamme. Fondée en 1833, cette entreprise - qui compte 250 salariés et réalise 80 millions d'euros de chiffre d'affaires - implantée à Gerardmer est l'une des rares survivantes de la filière textile vosgienne, dont la prospérité s'est éteinte dès les années 1970.
« Nous ne pouvions pas conserver un positionnement sur des produits basiques, parce que la fabrication dans les Vosges nous rend plus chers que le grand export. Il fallait trouver les raisons pour lesquelles les clients accepteraient de payer plus cher », explique Paul de Montclos, le PDG de l'entreprise.
D'où ce repositionnement entrepris depuis deux décennies vers le haut de gamme. Garnier-Thiebaut s'est ainsi spécialisée les parures de lits, nappes ou draps de plage pour des hôtels et des restaurants de luxe. Parmi ses références : Bocuse, Georges Blanc, Robuchon ou Troisgros dans la haute cuisine française ; Raffles, Hyatt et Four Seasons dans l'hôtellerie. 120 palaces s'équipent dès lors chez Garnier Thiebaut.
« Nous voulions garantir la qualité de nos produits et nous différencier de la concurrence. Il aurait été suicidaire pour notre marque d'être présente à côté de pantoufles importées d'Asie et vendues à bas prix au sein de la grande distribution », appuie Rémy Salmon, le créateur de la société La Pantoufle du Berry en 2020, aux côtés de son père Michel Salmon, ancien entrepreneur de travaux publics.
Il faut ainsi compter en moyenne 40 euros pour acquérir des pantoufles du Berry, qui se déclinent en une cinquantaine de modèles et dix gammes, des mules aux chaussons, en passant par les ballerines et les tongs. Dès sa création, la société La pantoufle du Berry s'est immédiatement positionnée sur le moyen et haut de gamme.
Matières premières de premier choix
Un choix qui porte aujourd'hui ses fruits pour le fabricant installé à Vatan dans l'Indre, l'un des dix derniers de l'Hexagone. La Pantoufle du Berry a quadruplé son chiffre d'affaires en quatre ans, atteignant ainsi 500.000 euros en 2023. Le plan de développement de Michel et Rémy Salmon repose sur deux piliers : une fabrication entièrement réalisée sur place, ainsi que des matériaux sourcés uniquement en France et en Europe. Dans le Tarn, Missègle veille aussi à sourcing et se fournit également en direct auprès de producteurs, ce qui limite la volatilité des matières premières.
« Le made in France n'est pas en soi un gage de qualité. De notre côté, nous sommes aussi très pointus sur les matières avec des pulls 100% laine, yack ou laine. Dans un monde en perte de sens, les clients sont aussi attentifs à nos valeurs », tempère Myriam Joly, la fondatrice de la société tarnaise Missègle, pour qui le simple macaron tricolore ne suffit pas à expliquer le succès de la marque.
L'atelier Missègle prospère depuis 30 ans dans le tricotage à partir de fibres naturelles et revendique une production annuelle de 400.000 paires de chaussettes, 80.000 accessoires et 50.000 pulls. La marque se positionne, elle aussi, dans le segment haut de gamme avec des pulls entre 100 et 200 euros, face à d'autres acteurs du textile du Made in France à l'instar du Vendéen Maison Solfin ou du Vosgien Bleu Forêt pour les chaussettes.
La clientèle étrangère, une cible de choix
Au-delà de matières premières premiums, avec un approvisionnement français et/ou européen, ces trois acteurs misent sur des aspects différents pour développer leur marque.
« Nous sommes entre 10% et 12% plus cher en moyenne que nos concurrents européens, et jusqu'à 80% plus cher sur le grand export. Mais notre atout gagnant, c'est la, personnalisation », claironne Paul de Montclos, de Garnier-Thiebaut.
Pour la clientèle particulière (40% de l'activité), l'entreprise a mis en place un réseau de 30 boutiques dans les grandes villes françaises. La prochaine ouverture est prévue à Nice, cette année avant Noël. Lancé il y a trois ans, le site 5 by Garnier-Thiebaut vise encore plus haut : il propose aux particuliers d'acquérir des parures de lits similaires à celles des palaces. « Cette personnalisation plaît particulièrement à la clientèle étrangère, qui circule dans le monde entie r », observe Paul de Montclos.
La clientèle étrangère est aussi un point de vigilance pour la société La Pantoufle du Berry, dont les produits sont diffusés exclusivement dans quelque 90 points de ventes indépendants de l'Hexagone (magasins de chaussures, cordonniers, pharmacies). Elles sont distribuées depuis 2023 en Allemagne, au Royaume-Uni ainsi qu'à New York, aux Etats-Unis. Porte-drapeau de la marque, la Berryzienne espère ainsi acquérir à moyen terme en France et à l'export une notoriété comparable à celles de la Charentaise, de la Tropézienne et de l'Espadrille.
« Porté par le développement exponentiel du télétravail depuis la crise sanitaire de 2020, et la hausse des tarifs de l'énergie, le marché de la pantoufle se porte bien, se félicite Rémy Salmon. Nous allons ainsi devoir accroître notre outil de production, désormais saturé, pour atteindre d'ici deux ans 50 000 paires contre 35 000 en 2024 ».
Quant à Missègle, malgré l'inflation, le prix des produits n'a augmenté que de 2% par an. Il faut dire que l'entreprise a été peu affectée par la flambée de l'électricité grâce aux panneaux solaires qui fournissent 60% de son énergie. En plus d'avoir ouvert un site pour assurer la seconde vie de ses articles, elle tente de contenir sa croissance (10 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel, 55 salariés) pour rester une entreprise à taille humaine, un autre gage clé de sa pérennité.