C'est un énorme magot qui s'apprête à changer de main . « Au cours des quinze prochaines années (...) plus de 9.000 milliards d'euros de patrimoine détenu par les Français les plus âgés seront transmis à leurs enfants » , évalue la Fondation Jean-Jaurès dans une note dévoilée cette semaine. Une « grande transmission » , fruit de la disparition progressive de la génération des baby-boomers (1946-1964), qui ne sera pas sans conséquence. Et pour cause, elle va renforcer le poids de l'héritage dans la fortune des ménages.
Or, les chiffres sont déjà éloquents. En cinquante ans, l'Hexagone s'est mué en une société d'héritiers. Et le Conseil d'analyse économique (CAE) de rappeler : « En France, la part de la fortune héritée dans le patrimoine total représente désormais 60% contre 35% au début des années 1970. » Désormais, 10% des ménages détiennent 54% du patrimoine total, ajoute la Banque de France .
Dans leur note, le sénateur socialiste de l'Oise, Alexandre Ouizille, et deux hauts fonctionnaires, Théo Iberrakene et Boris Julien-Vauzelle, proposent de « reconstruire le système des transmissions en instaurant un impôt sur les grandes successions (IGS) » . Un véritable big bang. Mais avec une promesse forte : préserver « les transmissions pour 99% des Français » et mettre davantage à contribution « les très grandes transmissions du top 1% » .
Dégager 400 milliards d'euros sur 15 ans
Pour les auteurs, l'objectif est triple : concilier rendement financier, justice sociale et investissements d'avenir. A l'heure actuelle, la fiscalité des successions et des donations rapporte « autour de 20 milliards à la collectivité » , soulignent-ils. C'est 5% du flux successoral - 400 milliards d'euros par an.
« Au total, la réforme que nous proposons conduirait à augmenter les recettes fiscales à un peu plus de 9% du total des transmissions » , font-ils valoir.
Soit, environ 36 milliards d'euros par an. De quoi dégager, selon la note, 400 milliards d'euros sur la période 2025-2040 pour investir dans trois grandes priorités, « la transition écologique, la recherche et l'éducation » .
Pour y parvenir, impossible toutefois d'éviter une refonte complète de l'assiette et du barème des droits de mutation à titre gratuit (DMTG). Concernant l'assiette (montant qui sert de base au calcul de l'impôt) les propositions chocs sont légion : intégration de l'assurance vie, suppression du régime des démembrements de propriété, resserrement du pacte Dutreil ... Des idées qui ne sont pas pour déplaire à la Cour des comptes, très critique concernant ces niches fiscales , jugées coûteuses pour les finances publiques.
Suppression du système des abattements
Le barème en vigueur , objet de tant de critiques, pourrait lui aussi être sur la sellette. Idem pour le système des abattements tel qu'il fonctionne aujourd'hui. « Nous conservons un abattement jusqu'à 200.000 euros de patrimoine hérité, notamment afin de préserver les transmissions de résidences principales » , veulent toutefois rassurer les auteurs. Un abattement unique qui prendrait en compte « les transmissions patrimoniales reçues au cours de la vie » .
Exit aussi le régime des liens de parenté qui « n'est plus adapté aux réalités démographiques et familiales d'aujourd'hui » . Pour rappel, dans la législation actuelle, un enfant peut, par exemple, recevoir 100.000 euros tous les 15 ans d'un parent, mais le montant tombe à 15.932 euros pour une donation entre frère et sœur. Concrètement, le nouveau barème progressif des droits de succession débuterait au-delà de 200.000 euros et atteindrait le taux marginal de 50% pour la part taxable supérieure à 6 millions d'euros.
Dernière nouveauté : la note propose de « répondre à une injustice fiscale : l'absence de taxation des plus-values latente au décès qui permet aux grands patrimoines d'échapper au prélèvement forfaitaire unique (PFU) en reportant ad vitam aeternam la réalisation de leurs plus-values » .
Une idée qui pourrait rapporter deux milliards d'euros par an, mais qui promet surtout de faire polémique ! Et pour cause, les plus-values latentes ne sont aujourd'hui pas imposées au moment de la transmission du patrimoine. Sans compter que cette proposition se heurterait à des questions juridiques et à la barrière du Conseil constitutionnel.